Manège de papier

Mon jardin fleuri de papier,
Où l’on se perd sans remords,
Des étagères si mal rangées,
Qui cachent les plus beaux trésors.

Don Quichotte, Héros de Cervantès,
Avec sa Dulcinea rêvée,
Le chevalier de l’impossible quête,
Dans sa folie déterminée.

Je voyage sans boussole,
Dans ce manège de papier.

Champollion aux dorures fines,
Déchiffre les secrets savants,
Cavanna de sa plume assassine,
Fait rire et pleurer souvent.

Entre Oui-Oui et Chateaubriand,
Les mots sentent le sucre et la crème.
Ils collent aux doigts du goûter blanc,
Quand doses et poids deviennent poème.

Je voyage sans boussole,
Dans ce manège de papier.

Quasimodo sonne chaque mot,
Sa cloche vibre sous ma main,
Chaque page un coup de marteau,
Contre les spectres du matin.

L’univers devient charnel,
Que la science a révélé,
Rejoint la Bible paternelle,
De souvenirs épicée.

Je voyage sans boussole,
Dans ce manège de papier.

Sur l’étagère du dessous,
Mes cahiers de pages raturées
Y croisent le vieux grimoire vaudou
Et Merlin qui s’évade en fumée

Le dictionnaire de mes aïeux,
Mille neuf cent trois en couverture,
Garde l’empreinte des doigts curieux,
Cherchant sens et mesure.

Je voyage sans boussole,
Dans ce manège de papier.

L’aventure mène au tiroir,
Celui des secrets, des souvenirs,
Quatre bougies pour tout prévoir,
Des clefs sans portes à découvrir.

Une photo sépia posée là,
Homme au chapeau melon figé,
Dont le nom s’est effacé déjà,
Qu’un vieux tic-tac a négligée.

Je voyage sans boussole,
Dans ce manège de papier.

Les carnets de mon père disent,
« Bon élève mais dissipé »,
La Chapelle Sixtine s’éternise,
En trois volumes dédicacés.

Le convoi freine doucement,
La porte reste grande ouverte,
Pour qui veut, momentanément,
Partager ma découverte.

Je voyage sans boussole,
Dans ce manège de papier.